Vacances familiales à Cusco

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Nous arrivons au Pérou après un nouveau passage de frontière chaotique qui nous prend pas moins de 5 heures et nous vaut quelques sueurs froides. Il nous manque l’assurance de notre véhicule pour le Pérou et il n’y a pas de possibilité de l’acheter sur place… Il faudrait aller jusqu’à Puno en bus pour l’acheter et revenir, soit plus de 4 heures de bus aller-retour. Le douanier est antipathique au possible et la discussion tourne vite au vinaigre. Nous nous préparons même à passer la nuit sur place tant la situation semble bloquée. Finalement, c’est la police qui joue les intermédiaires pour calmer le jeu et nous obtenons finalement un laissez-passer sous condition d’acheter une assurance dès notre arrivée à Puno. On ne connaît vraiment pas notre bonheur en Europe de pouvoir passer les frontières sans formalités ni prises de têtes (ou de becs…)

Cette attente forcée n’a fait que renforcer notre impatience d’arriver à Cusco, où nous allons retrouver mes parents pour deux semaines. Deux jours plus tard, nous arrivons  au camping de Quinta Lala situé juste au-dessus de Cusco. Il fait presque nuit quand on embourbe Solaris dans le terrain boueux et en pente du camping. Nous voilà donc obligés de dormir complètement de travers, ce qui nous vaudra une des pires nuits du voyage! Le lendemain, c’est travaux forcés… Heureusement, notre ami allemand Mathias est là pour nous aider et avec l’aide de son cric et du nôtre, on arrive à soulever Solaris de son trou de terre et à poser les deux roues arrières sur des planches.

Le lendemain, les enfants trépignent en attendant de retrouver les grands-parents. Après les avoir enfin récupérés à l’aéroport, on prend enfin possession du logement Airb&b que nous avons loué pour les 15 jours. Un vrai appart, avec une vue superbe sur la ville et chacun sa chambre, quel luxe!

Cusco est une ville attachante, perchée à 3400 mètres d’altitude. Une de ces villes dont on repart difficilement après y avoir posé son sac… Dès les premiers instants, on tombe sous le charme de l’atmosphère de ses rues et du sourire de ses habitants. L’origine Inca de Cusco suinte de chaque mur contre lequel ou sur lequel se sont édifiés la majorité des bâtiments espagnols. Qosqo en quechua signifie « le nombril », nombril duquel rayonnait l’empire Inca, du sud de la Colombie jusqu’au milieu du Chili et de l’Argentine. Ces années de domination Inca ont sans doute été celles où l’Amérique du Sud fut la plus unie, ce que de nombreux guérilleros ou rêveurs tels le Che ou Bolivar ont par la suite tenté de reproduire, en vain…

Toute visite de Cusco commence par la Plaza de Armas, aux proportions superbes, entourée de la cathédrale, du Temple jésuite de la Compagnie de Jésus et de maisons coloniales aux balcons en bois superbement sculptés.

C’est aussi le coeur névralgique de la cité, là où, à toute heure du jour ou de la nuit semblent s’improviser danses et chants traditionnels.

Le théâtre proche propose presque chaque soir des spectacles gratuits de grande qualité et nous assistons ainsi à plusieurs spectacles de danses folkloriques et à un concert de musique cusquenienne.

Pourtant, nul besoin d’aller au théâtre pour revivre ce que fut la culture Inca. Des indiens, lointain descendants du peuple Inca, font revivre les instruments traditionnels Inca au détour des rues et des places de la ville.

Nous nous perdons dans les ruelles du quartier San Blas, fouinons dans le marché de San Pedro, entrons dans les multiples églises disséminées dans chaque quartier et dégustons tout l’éventail gastronomique qu’offre la cuisine péruvienne, depuis le « choclo con queso » dévoré dans la rue,

jusqu’au ceviche de trucha dans les bons restaurants dont regorge Cusco,

en passant par le chicharron (porc mariné et frit dans sa graisse) en plein coeur du marché. 

Nous visitons Sacsayhuaman situé juste au-dessus de Cusco sous une pluie battante… Le site n’en est pas moins impressionnant avec des blocs de pierre de plusieurs dizaines de tonnes, disposés en trois rangées en dent de scies.

Il reste malheureusement bien peu de choses du site originel. A peine 30% des pierres sont encore en place, et il est difficile d’imaginer la démesure du site avant son « pillage ». Pendant des centaines d’années, Sacsayhuaman a servi de carrière de pierres pour construire la cathédrale et les monuments de Cusco. Jusqu’en 1950, les habitants pouvait encore acheter pour quelques soles un permis qui leur permettait d’aller se servir de pierres pour construire leur maison!

A propos de pierres, s’il n’en était qu’une pour résumer la science architecturale des Incas, se serait celle-là: la fameuse pierre taillée à 12 angles de la rue Hatun Rumiyoc, si parfaitement ajustée à ses voisines qu’on n’y glisserait pas une lame, aussi fine soit-elle. Peu étonnant que les Espagnols aient gardé les fondations Inca pour y adosser leurs édifices…

Impossible de faire le tour de tous les musées de Cusco. Nous en privilégierons quatre: le Convento de la Merced, le musée des arts religieux, le musée du Machu Picchu et le temple de Koricancha, ancien temple du soleil sur lequel a été édifié le couvent Santo Domingo.

Détail amusant: la ville de Cusco a été conçue selon un plan de ville représentant le corps du Puma. A Sacsayhuaman, nous nous trouvions ainsi dans la tête du Puma… alors qu’en visitant Koricancha, nous serions… dans ses parties génitales!

Un dimanche matin, nous attrapons un des nombreux collectivos qui se rendent au marché de Chinchero. C’est un émerveillement de tous les instants. Ce marché a gardé une grande authenticité et nous découvrons avec régal un artisanat unique et totalement préservé des tendances industrielles modernes. 

 

Les tissages sont d’une finesse exceptionnelles, les petites filles apprennent cet art dès l’âge de 6 ans et on sent un grande fierté chez ces artisans qui perpétuent ces traditions millénaires. Les métiers à tisser se transmettent de générations en générations, en même temps que le savoir-faire du filage, de la teinture et du tissage. 

 

Nous nous sentons privilégiés d’assister à ces témoignages d’un art pluri-millénaire que n’a en rien affecté la modernisation. Rassurés aussi de voir que la mondialisation n’a pas tout engloutie sur son passage et que des populations entières semblent s’épanouir (si l’on en croit le sourire permanent affiché sur leur visage…) dans des modes de vie traditionnels aux antipodes de celui de nos civilisations occidentales.

Nous décidons de partir à la découverte des sites archéologiques de la Vallée Sacrée tous les six dans Solaris. Trois jours d’exploration qui commencent par le site de Moray, témoignage de l’art agricole des Incas qui utilisaient ces terrasses comme autant de laboratoires simulant des micro-climats différents et qui leur auraient permis de modifier les espèces locales pour les rendre plus résistantes. N’oublions pas que les Incas et avant eux les Tiwanacus cultivaient près de 1000 espèces de patates différentes! 

Nous dormons sur le site et avons ainsi le privilège de l’avoir pour nous seuls jusqu’à 9 heures, heure à laquelle nous assistons interloqués au début de la valse incessante des bus de touristes. Ils restent 30 minutes chrono et repartent vers le point suivant car ils n’ont qu’une journée pour boucler le circuit que nous ferons en 3 jours.

Sur la route pour se rendre aux Salines, nous croisons une paysanne qui se rend à Urubamba. Elle a un âge indéfinissable, que maman évalue à « quelque part entre 60 et 100 ans »… Ce qui est sûr c’est qu’elle porte un sac tellement lourd que je peux à peine le soulever. Apparemment des pommes de terre qu’elle va vendre. Il est difficile de communiquer car elle ne parle que Quechua! Elle tient à nous offrir un épi de maïs qu’elle a déjà à moitié mangé. On accepte et on le partage. J’ai un peu peur que ce soit son repas de midi et du coup je lui offre deux bananes qu’elle accepte sans hésiter. Un peu plus loin, nous embarquons une autre paysanne quechua qui nous fait signe sur le bord du chemin. Nous voilà transformé en « collectivo » local, à la plus grande joie de nos passagères. On ne résiste pas à l’envie d’immortaliser l’instant avec elles dans Solaris! Nous sommes encore une fois impressionnés par la joie et le sourire que ces gens affichent en permanence, surtout avec ce qu’on entrevoit de la dureté et du dénuement de leurs vies. 

L’arrivée aux Salines est saisissantes, la route surplombe le site et dévoile des milliers de salines servant à la collecte du sel, en pleine cordillère des Andes!

 

Les plus anciennes étaient déjà en exploitation avant la période Inca. La découverte d’une source souterraine d’eau salée a permis la création d’un système d’irrigation qui alimente plus de 4000 bassins en cascade. Ce sel andin est dépourvu d’iode, et il est aujourd’hui rajouté lors de son traitement. En marchant le long des bassins, nous découvrons les travailleurs du sel qui consolident les bassins ou en créent de nouveaux en attendant la période de collecte du sel à partir de mai. Des conditions de travail harassantes, pour un salaire que je n’ose imaginer.

Les sites d’Ollantaytambo et de Pisac sont les plus impressionnants de la Vallée. Ils ont en commun d’être situés au sommet de pics difficilement accessibles, de posséder un temple du soleil et des lieux sacrificiels à l’architecture parfaite, ainsi que des terrasses agricoles et des quartiers d’habitations aux pierres plus simplement agencées.

 

Le village d’Ollantaytambo est un des seuls à avoir gardé son plan de ville Inca intact et c’est un plaisir de se promener dans ses ruelles à la nuit tombée. 

A Pisac, nous rencontrons un potier qui nous fait partager son art, autre savoir-faire millénaire tel celui du tissage de Chinchero. Les enfants repartent même avec une boule de terre à travailler… 

 

Nous finissons en apothéose avec la visite du Machu Picchu…

 

Pour la première fois nous prenons un guide. Il parle parfaitement le français et nous a été chaudement recommandé par des voyageurs québécois. La visite avec lui prend une dimension scientifique, historique, anthropologique. Passionné par son sujet, il arrive à captiver petits et grands pendant plus de 4 heures. Tout y passe, depuis la technique de découpe des pierres à l’histoire des dynasties Inca, en passant par l’utilisation du cadran solaire, les dieux Inca, l’architecture de leur Temple du Soleil

et même… la lecture des kippu!

Ces bouts de ficelle de différentes longueurs, couleurs et portant des noeuds à des endroits spécifiques étaient leur mode de communication « écrite ». Malheureusement, la science de codage de ces kippus s’est perdue avec le massacre systématique de la noblesse Inca par les espagnols. Et personne n’a encore pu en percer les secrets! Les enfants sont d’autant plus impressionnés qu’ils se rappellent leur héroïne Zia, enlevée car elle seule sait encore déchiffrer le kippu qui indique l’emplacement des Cités d’Or… On est au coeur même de l’intrigue de leur dessin animé préféré!

Après son départ, nous nous éloignons un peu des ruines pour pique-niquer discrètement. Alexis, Fabrice et moi avons encore la force de grimper jusqu’à la porte du Soleil, Inti Punktu, d’où nous bénéficions d’une vue aérienne sur le site et la vallée de l’Urubamba.

 

2 réponses

  1. Gabrielle
    | Répondre

    Wouaouh que de superbes images (en général pas seulement sur cette partie!) et de commentaires aussi sympa qu’intéressants à lire!! Bravo au photographe, à la narratrice et aussi aux enfants pour tous les beaux dessins qui agrémentent le site. Un vrai plaisir de vous suivre régulièrement. Et puisque j’ai sous les yeux le commentaire de Papiric juste au-dessus, même si je n’étais pas de la partie pour voir les marchés en vrai, les images sont assez parlantes pour que l’on se rende compte que là-bas, pas de Made in China! Et ça fait plaisir de constater que l’authentique artisanat local existe encore quelque part.
    Continuez de profiter de vos aventures sud américaines au max et de nous faire partager vos découvertes sur ce super chouette site! On adore!!
    Tonne de big bisous à vous quatre et à bientôt!!

  2. Papiric
    | Répondre

    Quel reportage sublime nous faisant revivre des moments inoubliables,Véronique est très largement au niveau pour éditer des guides de voyage passionnants. Quel plaisir d’avoir rencontré tous ces péruviens, heureux de vivre, accueillants, aimables, souriants alors que leurs conditions de vie restent et sont difficiles, tout en sachant continuer un artisanat extraordinaire loin de toute nos fadaises débilitantes made in China. Les européens qui ont perdu leurs âmes et se plaignent de tout, alors qu’ils sont comblés au delà de la démesure, auraient des leçons de vie à prendre chez ce peuple ! Le seul point de désaccord avec ce reportage excellent concerne le passage des frontières que tu dis aisé en Europe, sauf en Suisse faut-il humblement rajouter, ton pauvre père ayant été plusieurs fois persécutés par ces maudits douaniers.!!!

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